Les échanges économiques et commerciaux ont toujours été considérés comme un stabilisateur et un propulseur des relations sino-américaines depuis leur normalisation. Cependant, ils ont été gravement endommagés du fait de la guerre commerciale provoquée par l’administration Trump en 2018, à laquelle s’ajoute le fort affaiblissement des relations sino-américaines.
Après le déclenchement de la pandémie de COVID-19, les États-Unis continuent de renforcer la mise en œuvre de la stratégie de « découplage » avec la Chine, empêchant le développement socio-économique normal de la Chine. Dès lors, les échanges économiques et commerciaux entre les deux pays peuvent-ils encore jouer un rôle positif ?
La dégradation des relations
Sans aucun doute, les relations économiques et commerciales sino-américaines subissent-elles des changements majeurs. Selon les statistiques disponibles, depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump a adopté près de 20 mesures de répression et de contrainte contre l’économie chinoise, qui concerne les domaines du commerce, de la finance, de l’investissement ainsi que des sciences et des technologies. Citons entre autres l’enquête spéciale au titre de l’article 301, l’enquête en vertu de l’article 232 (de la Loi sur l’expansion du commerce de 1962), les enquêtes antidumping et antisubventions et de sauvegarde, l’enquête de propriété intellectuelle en vertu de l’article 337, l’enquête sur la manipulation des taux de change, le contrôle des investissements, le contrôle des exportations, la sanction économique, le découplage forcé des industries de haute technologie, l’action en justice contre la Chine pour l’épidémie de COVID-19, la révocation de la licence américaine de China Telecom, l’intervention dans la Loi sur la sécurité nationale à Hong Kong et l’incitation des pays alliés à interdire Huawei et TikTok.
Les relations avec la Chine, sous l’administration Trump, ont subi un changement qualitatif, l’actuel président estimant que la « politique d’engagement » appliquée depuis une cinquantaine d’années par le président américain Richard Nixon a échoué et que la Chine est officiellement devenue un « concurrent stratégique » des États-Unis.
La Chine adhère toujours à la sincérité de l’ouverture et de la coopération, faisant de son mieux pour mettre en œuvre une relation gagnant-gagnant avec les États-Unis, mais les actions de ces derniers affectent gravement la situation mutuellement avantageuse des relations économiques et commerciales bilatérales. Il est à prévoir que les frictions commerciales entre les deux pays ne diminueront pas à l’avenir.
La dégradation des échanges économiques et commerciaux constitue un aspect de la détérioration globale des relations sino-américaines, qui sont actuellement à un niveau de tension sans précédent. Cependant, je crois que plus les relations sino-américaines sont tendues, plus la coopération économique et commerciale est importante pour assurer la normalisation des relations bilatérales, et pour garantir qu’elles ne franchissent pas la ligne rouge.
Une « ceinture de sécurité »
Les échanges commerciaux doivent servir de « ceinture de sécurité » pour le fonctionnement normal des relations sino-américaines, ce qui est bien confirmé par la mise en œuvre pratique d’un accord commercial de première phase signé par les deux pays au début de cette année.
Depuis la signature, la Chine met activement en œuvre tous les articles de l’accord. Selon celui-ci, la Chine doit augmenter, du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021, ses importations en provenance des États-Unis de 200 milliards de dollars, sur la base du chiffre de l’année 2017. Ces achats concernent les produits agricoles, l’énergie, les biens manufacturés et les services.
Peu après la signature de l’accord, le COVID-19 s’est répandu dans le monde. La Chine aurait pu suspendre les importations en provenance des États-Unis pour cas de force majeure, mais elle ne l’a pas fait. La Chine ne lance jamais des paroles en l’air, au contraire, elle ne cesse de déployer des efforts pour promouvoir la mise en œuvre des mesures de l’accord économique et commercial, ce qui démontre amplement sa sincérité quant à l’élargissement de son ouverture. Ces efforts ont réussi, plus ou moins, à faire taire les personnalités antichinoises dans les rangs des autorités américaines. Tout ceci freine dans une certaine mesure la détérioration des relations sino-américaines.
Le plus important, c’est que la Chine continue d’élargir et d’approfondir son ouverture comme elle l’a fait depuis le début de cette année, par exemple, en élargissant l’accès des investissements étrangers dans le domaine des services financiers comme la banque, l’assurance, le marché des valeurs et la notation de crédit, en renforçant la coopération avec les États-Unis et les pays européens en matière d’indications géographiques et de protection de la propriété intellectuelle, et en créant le port de libre-échange de Hainan.
Cette plus grande ouverture permet aux entreprises américaines et européennes de découvrir plus directement la vitalité de l’immense marché intérieur chinois. En effet, La Chine est déjà devenue le marché le plus rentable d’outre-mer pour ces entreprises. En 2019, Apple a vendu plus de 32 millions de smartphones sur le marché chinois, et le chiffre d’affaires des produits en ligne sur son App Store a atteint 246 milliards de dollars en Chine, soit 47 % de ses ventes mondiales.
La crainte de l'industrie américaine
Élément le plus fondamental des relations bilatérales sino-américaines, les échanges économiques et commerciaux traduisent plus d’intérêts communs que d’autres domaines. Pour les milieux industriels et commerciaux américains, la détérioration des relations sino-américaines est inacceptable. Le 11 août 2020, le United States-China Business Council (USCBC) a publié un rapport d’enquête sur l’environnement des affaires en Chine, qui indique que les relations économiques et commerciales entre les deux pays peuvent encore être prometteuses malgré la pandémie et des facteurs politiques, et que 87 % des entreprises américaines interrogées n’ont pas l’intention de retirer leurs lignes de production en Chine étant donné leur « confiance à long terme » dans le marché chinois.
Par ailleurs, le rapport souligne que le retour à des relations bilatérales stables et constructives est vital pour l’USCBC et les entreprises membres. « Si on n’est pas compétitif en Chine, on ne peut pas être compétitif à l’échelle mondiale », a remarqué le vice-président senior de l’USCBC Jacob Parker, lors d’une conférence de presse organisée à Washington.
Face à l’interdiction du gouvernement américain concernant WeChat, quantité de groupes et entreprises, tels que Ford, Apple, Walmart, Walt Disney, Procter & Gamble, Intel, MetLife, Goldman Sachs Group, Morgan Stanley, United Parcel Service, Merck & Co. et Cargill, ont exprimé leur opposition et leur inquiétude. Ils pensent que cette interdiction affecterait la compétitivité des affaires américaines sur le marché chinois. En conséquence, la normalisation de la coopération économique et commerciale sino-américaine est conforme aux intérêts fondamentaux des milieux industriels et commerciaux américains.
De ce point de vue, les échanges économiques et commerciaux, qui servent encore de lien pour le fonctionnement normal des relations sino-américaines, seront probablement un phare pour les relations sino-américaines actuellement plongées dans le noir.
YU MIAOJIE • professeur à l’Institut de recherche sur le développement national relevant de l’Université de Beijing
(From: Dialogue Chine-France, October 09, 2020)